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MÉDICAMENTS  PSYCHOTROPES

ET  PSYCHANALYSE

 

Leo RUELENS

 

 

Si les déploiements de la psychopharmacologie prédisent "la chronique d'une mort annoncée" de la psychanalyse, il n'est pas superflu d'essayer de faire le point sur les relations entre elles.


A. Relations historiques difficiles

Dès l'ascencion des premiers neuroleptiques en 1953 le monde psychothérapeutique n'a pas cessé de rendre suspect les médicaments, en stressant leur mode opératoire artificiel, voir toxique et asservissant, l'aspect trop facile à aboutir à des changements dans la pathologie, qui ne dureront après l'arrêt des médicaments et enfin le détournement en ce qui concerne la souffrance de ses causes et de sa dynamique analytique.

L'avènement d'un large groupe d'analystes non-médecins, sans formation psychopathologique ni psychopharmacologique a beaucoup accentué la problématique.

Malgré tous ces arguments, le succès des médicaments psychotropes est indéniable. Ils sont tellement constituants qu'ils ont beaucoup modifié l'image de la psychiatrie elle-même, même jusque dans sa nosographie (DSM IV). Pour cela, il y a trois raisons :

Premièrement, pour la psychiatrie, le progrès psychopharmacologique compensait une malaise nosographique. La nosographie était devenue complètement stérile dans son aspect classificatoire. L'action psychopharmacologique sur des fonctions plutôt que sur des entités psychiatriques a engendré une nouvelle classification, qui ouvrait (temporairement ?) des voies nouvelles.

Deuxièmement, le refus d'intégrer la psychanalyse de Freud, la théorie Szondienne et la Daseinsanalyse (analyse existentielle) de Binswanger, sur la base présupposée d'un manque de "scientificité" était autant des possibilités ratées à fertiliser la pensée psychiatrique. A fortiori, la passion de se nommer "scientifique" (positiviste) a amené une prise de distance, voir un rejet vis-à-vis des courants "psychothérapeutiques".

Troisièmement, dans la psychiatrie expérimentale, le succès continu de la pharmacologie a favorisé le modèle thérapeutique de recherche au dépens des autres modèles (étiologique, physiopathologique, symptomatologique, etc.) en stimulant l'utilisation de nouvelles substances chimiques et en etudiant leurs effets.
Que les modèles animaux soient méthodologiquement discutables, voire insuffissants dans ce domaine "holistique "de la psychiatrie disparaissait en même temps dans les plis positivistes.

De plus, ce courant de pensée a facilité l'intérêt pour les dévelopements de la psychiatrie biologique, la génétique, les méthodes quantitatives (ou les psychothérapeutiques objectives) et les intérêts de faire des économies dans ce domaine (evidence based medicine).

Si les dépressions, les obsessions et l'agressivité sont régis par la sérotonine, l'angoisse par le système GABA, les psychoses par les dopamines et les perversions par la testostérone où en est-on avec la psychanalyse ?
Quelqu'un dira qu'on ne parle pas de névrose jusqu'à présent.
Mais Freud lui-même croyait à une fondation biologique de la névrose à venir, endocrinologique ou autre.
Est-ce que la psychanalyse, à travers ces évolutions révolutionaires sera révisée ou même abolie, où restera-t-elle "immuable comme Dieu" ?

Au contraire de la pensée de Freud,et malgré un "retour" de Lacan, la psychanalyse évoluait à contresens des sciences médicales, vers une philosophie clinique, qui ne réclamait pas du tout de scientificité ce qui est encore son bon droit. Mais de plus, elle risque de se fermer dans son hermétisme doctrinaire, avec les analystes qui se soucient peu de l'évolution des psychotropes, une matière qui cependant les regarde pourtant de près et surtout leurs clients.


B. Comment comprendre la relation psychanalyse - psychopharma-cologie ?

La difficulté de compendre s'origine dans le dualisme théorique de l'organogénèse et de la psychogénèse de la pensée et de la psyché. Ce vieux dualisme cartésien se concrétise ces années-ci dans l'oppostion épistemologique cerveau-esprit.

En effet une substance pharmacologique peut agir sur des récepteurs cérébraux et induire des changements de comportement et de discours chez le sujet.
Ces données ont provoqué un réductionisme matérialiste dans les neurosciences, partant du présupposé naïf que chaque événement psychique est provoqué par des stimuli de neurones.
Par contre, la plupart des psychanalystes se retrouvent du côté opposé voir "idéaliste", qui part du vécu subjectif, qui ne trouve pas d'appui dans le monde objectal, et mène vers une élimination des événements physiques.

Et pourtant, le sujet parlant lui-même, nous offre un paradigme qui rend insuffisant les deux prises de position mentionées ci-dessus.

Il est bien clair que le sujet parlant, en utilisant des paroles et les rassemblant lexiquement et sémantiquement dans un discours en construisant une histoire "biographique", personelle et unique, fonctionne dans le symbolique, qui surpasse nettement chaque donnée de base organique.

Par contre, il est indéniable que le substrat organique de la parole se trouve dans une zone nettement délimitée du cerveau (la zone de Wernicke), qui peut-être détruit par thrombose ou traumatisme et laisse le sujet dans une aphasie permanente.

Cela donne lieu à des théories d'épiphénoménalisme et d'interactionnalisme. Par épiphénoménalisme en entend que la psyché et tous les événements mentaux, sont un résultat inattendu de la complexité des événements neuronaux. L'interactionalisme ou le paralélisme psycho- physique prétend que les deux mondes sont liés et s'influencent les uns - les autres, sans lien de causalité, ce qui veut dire : que ces influénces ne correspondent pas à des lois physiques.

En tout cas, l'esprit est localisé dans un organe (le cerveau avec ces annexes :
le tronc cérébral, la moëlle épinière, les organes et les substances endocrinologiques, etc.) et le fonctionnement de l'esprit est largement dépendant du fonctionnement de cet organe composé de neurones qui correspondent à des lois qui ne sont nulle part analytiques mais physiologiques.
La constitution (DNA ?), la qualité et la particularité anatomique et physiolo-gique du tissu neuronal influenceront à fond les procès de symbolisation, les discours personels et les possibilités de mentalisation (Bion).

Mais comment donc comprendre le lien entre les événements mentaux et les événements neuronaux ?
Comment comprendre qu'une dépression qui disparait sous l'effet d'anti- dépresseurs, soit engendreé par une perte symbolique ou imaginaire ?
Partant de cette difficulté, Van Praag, psychopharmacologiste et psychiatre, a mis au point le concept de "dysfonctions psychiques" au lieu d'entités de maladie. Il constatait l'insuffisance de la nosographie psychiatrique à comprendre l'action des psychotropes dans les maladies mentales.
Les médicaments attaquent des symptomes, pas des maladies, et donc, certains circuits influencés par eux sont responsables pour certaines manifestations cliniques comme l'angoisse, la dépression, le délire.

Il en déduit un schema causaliste : étiologie - pathogénèse - dysfonction.
Selon Van Praag quelle que ce soit l'étiologie de la dépression (deuil, perte d' inconnu, névrose, maladie), la pathogénèse provoquée serait toujours d'ordre biochimique, c'est à dire, un déséquilibre de sérotonines et autre médiateurs dans les synapses neuronaux.
En fait, ceci renvoie à un réductionisme biochimique clair, qui détrône le concept de pathogenèse éthymologiquement comme "ce qui rend dynamiquement malade"et qui réintroduit l'"4J4@H, comme primum movens causaliste et mythique dans la recherche positiviste.
Ce critique de Jacques Schotte, psychiatre et psychanalyste, mène à sa thèse que les événements psychiques et biochimiques prennent le relais les uns des autres aussi bien dans la pathogénèse que dans la reconstitution thérapeutique.

En conclusion : être dépressif est d'une part, inscrit dans la biochimie de chaque malade et par conséquent réagit (ou peut reagir en 70% des cas) à un traitement pharmacologique ou même neurophysiologique (electroshock).

D'autre part,elle constitue une souffrance existentielle, une défaillance de l'élan vital, une régression orale ou une perte d'image investisable de soi-même qui doivent être aborder par une psychothérapie.

Que faire ? Dans la littérature psychothérapeutique récente on avise de combiner les médicaments avec la psychothérapie.
On se rappelle la fameuse déclaration de Rümke en 1955 lors du colloque à Paris : "Il est hors de doute que ces deux grandes puissances, la pharmaco-thérapie et la psychothérapie, seront obligées d'arriver à un accord".

Comment alors expliquer le rejet parfois féroce dans les milieux psychana-lytiques vis-à-vis d'une approche (combinée) de psychotropes ?
On entre ici dans un champ de force ou le narcissime propre et peut-être mal analysé de l'analyste rentre en jeu.

En effet,qu'est-ce qui prime dans la cure ? L'intérêt du patient, son bien-être, , ou la soi-disante pureté de l'analyse ?

Et puis, le médicament dans la cure ne devient pas nécessairement un objet dans le sens analytique, surtout pas un objet "a", sauf si l'analyste a statut ambigu vis-à-vis de la médecine et des médicaments, ce qui met, qu'il le veuille ou non, l'analysé dans un état de transfert mal controlé et donc dans une position de suggestion.


C. Fonction possible du "pharmacon" dans le processus analytique

Certes, depuis 1955 il existe une grande opposition entre chimiothérapie et psychanalyse, promu par une mauvaise compréhension des fonctions mutuelles propres.

Dans chaque psychothérapie, aussi dans la psychanalyse, il y a une double fonction.
La fonction imaginaire se joue en termes de forces, qu'on peut également nommer de magique, de suggestif ou d'économique dans le sens de Freud.
Dans l'hypnose, aussi bien que dans la psychothérapie de support, dans le behavior-therapy et dans la chimiothérapie, se jouent des concentrations
d'investissements, chaqu'un à sa manière.
Dans la psychanalyse, l'aspect imaginaire installe et renforce le transfert, névrotique ou pas, comme ustensile indispensable de la thérapie.

La fonction symbolique, qui est toujours présente bien sûr, est ce qu'il y a de plus explicite dans la cure analytique, qui a une visée plus approfondie que les autres.
Au lieu de concentration, il s'agit plutôt d'un déplacement d'investissements de manière métaphorique et métonomyque, par la libre association et les inter-pretations.

A part de ces deux fonctions mentionées ci-dessus, le médicament a aussi une fonction réelle sur l'esprit et sur le corps (effet secondaire).
Par exemple : un antidepresseur agit au niveau de l'inhibition depressive. Le patient est touché dans le réel du vécu quotidien et le médicament fait des ouvertures au niveau du dire, qu'était auparavant complètement bloqué.
Ce blocage n'a rien de symbolique ni d'imaginaire.

Sous-entendu il est bien évident que cette prescription peut avoir des effets imaginaires mal controlés, surtout si elle est en désaccord avec le désir de l'analyste, sinon elle fait parti harmoniquement du transfert global (cfr. le placébo).

Troisièmement, le médicament peut faire le pont vers un processus associatif de type symbolique, à travers une inscription , comme d'ailleurs cela peut être le cas avec l'argent.
Posé comme objet intermédiaire ou transitionel, il peut ouvrir sur un dire investi de transfert, qui est complémentaire à l'ouverture du dire au niveau du réel.

Dans la pratique, on constate que l'action d'un médicament se joue en deux temps différents clairement distingués.
Dans un premier temps le médicament est un apport énergétique, ce qui est bien clair dans l'état dépressif, mais qui peut se produire aussi dans la forme inversée d'une diminution d'énergie par exemple dans la paranoia, la psychose excitée, la manie ou une hystérie en crise.
Surtout les interventions chez les patients regressés ou en hémorraghie narcissique se situent dans ce premier temps, où il faut des soins aussi "englobants" que possible, réalisant un rôle de substitution parentale et surtout maternelle (moi auxiliaire, moi de prothèse, etc.) ce qui n'est pas possible pendant les 3 séances scandées par semaine, dans lesquelles le sujet n'aboutit pas à un "dire".

Dans un deuxième temps où l'atteinte narcissique est devenue moins grave et où une certaine capacité (énergétique) de production sociale et fantasmatique est rétablie ou sauvegardée, la fonction symbolique de la thérapie peut (re)prendre le relais à travers ses effets de sens.
Aussi dans ce stade le médicament peut faciliter la thérapie au niveau du dire, en levant des inhibitions et en libérant des fixations d'idées etc.
Ou, pour parler avec Laplanche : il va s'agir dès lors de répartition entre énergie libre et énergie fixée.

A ce niveau le médicament reprend aussi ses dimensions symboliques et devient petit à petit superflu : on voit négocier le patient sur les prises de doses, l'extinction graduelle, les effets secondaires, le sens d'en prendre ...
Le médicament devient vite désinvesti en faveur d'un travail de perlaboration.


D. EXEMPLES DANS LA PRATIQUE : DEPRESSION, MELANCOLIE ET PSYCHOSES REACTIONNELLES

A part l'inscription dans la chaîne signifiante et à part les identifications imaginaires, fantasmes, etc., le sujet est aussi constitué par le réel du cerveau et du corps.
Une thrombose cérébrale ou une intoxication alcolique peut avoir une grande influence sur son discours ou même l'abolir.
Ainsi de suite est-il influencé par les changements biochimiques cérébraux, qu'ils soient d'origine génétiques ou accidentels, éphémères.
Les circonstances de la vie quotidienne sont en permanentes interactions avec les taux ascendents et descendents de substances biochimiques et s'influen-cent mutuellement.
En cas de dépression simple pas compliquée (selon Schotte), on obtient des résultats équivoques avec la chimiothérapie et avec une psychothérapie. En plus, toutes les études recommandent une combinaison des deux pour avoir un resultat nettement meilleur. Pas seulement l'inhibition motrice, mais aussi l'inhibition du "dire" autant que la "Grundstimmung" réagissent très bien avec les antidepresseurs.

Selon Guyotat les antidépresseurs, sans provoquer des différences de structure dans la personalité, permettent de mieux utiliser la relation thérapeutique.
Les médicaments transforment le Ich-libido en libido objectale et en suite le patient entre dans une situation qui peut ouvrir sur une psychothérapie.

Dans les dépressions lourdes, psychotiques ou mélancholiques le patiënt est encore plus fortement atteint au niveau du dire. Parfois il reste muet.
On outre, la perte de temporalité lui place hors de tout discours cohérent où il peut se situer dans un présent, un passé achevé et un avenir à venir.

La désinhibition par les antidépresseurs ou les électrochocs ne suffit plus. Il faut ajouter des neuroleptiques afin de regagner les pertes de significations et de sens à l'aide d'une distanciation par rapport à ses idées délirantes.

L'individu agissant doit se libérer d'un objet chaque fois qu'il y a d'autres rapports que ceux avec lesquels il se trouvait confronté au paravent.
Le mélancolique ne peut pas s'engager dans de nouveaux rapports ou de nouvelles significations et reste fixé.
L'agir en association est pertubé. Les effets de sens, cibles de l'analyse sont coupés de leur racine pulsionelle et tout effort analytique risque de s'engouffrer dans un vide mortifère.

Je me souviens d'une jeune femme qui s'annonçait avec un syndrome d'angoisse et de compulsion. Elle n'était pas tellement atteinte dans sa parole mais n'arrivait pas à exprimer ce qu'elle vivait. Les idées obsessionnelles de pertes de ses possibilités hantait son discours.
Une approche analytique restait sans aucun effet. Une cure d'antidépresseurs aussi. Ce n'est qu'avec une combinaison d'électrochocs et de neuroleptiques que le syndrome psychotique mélancolique a disparu complètement en quelques jours.

De même pour les autres psychoses. Cette déflation ou inflation du Moi ne permet pas des investissements propres ou des ouvertures à des interprétations qui sont condition pour tout traitement analytique.
Par contre, ils nécessitent beaucoup plus un investissement de l'environ-nement. Cela veut dire, une prise en charge hospitalière ou de commune psychothérapique.
Ce qu'on désigne parfois de psychose en analyse sont souvent des reactions de touche psychotiques à la suite d'un souvenir paroxystique ou d'une interprétation douloureuse.
Malgré qu'une extrême vigilance reste nécessaire, il ne s'agit parfois que de phénomènes passagers, marqués de sens. Il est clair qu'ici un neuroleptique n'est pas indispensable.

Des psychotiques sensu stricto peuvent être pris en analyse à condition qu'on réusisse à faire émerger des greffes de tranfert (Oury) mais la technique est complètement différente de la cure-type, et ne peut être entreprise en commençant par une prise en charge 'totale' avec un diagnostic affiné, une médication appropriée et un vigilance soutenue vis-à-vis de la vie quotidienne.


E. ET EN CE QUI CONCERNE LE THERAPEUTE ....

Bien sûr l'inconscient du thérapeute y est pour quelque chose.

La médecine somatique et les courants psychothérapeutiques qui s'en accordent sont organisés autour du désir du soignant, qui reste donc un désir avoué de guérir, désir souvant efficace et utile, quelle qu'en soit l'infrastructure pulsionelle et narcissique (Guyotat).
Bien sûr il faut garder le contrôle devant ce type d'aide selon le mode de suggestion. Voici quelques pièges pour le psychiatre et rappelons Oury : "On ne peut être psychiatre sans être psychanalyste (je ne veux pas dire l'inverse)".

a. La tendance apostolique, sortant d'un réductionisme matérialiste et d'un fantasme de mort immanent. Dans certains cas, comme dans la menace de suicide, cette tendence est à considérer positivement.

b. Le fonctionnement narcissique en miroir, qui peut se présenter aux moments dans lesquels on présume le même "fureur thérapeutique" du côté du malade.

c. Le danger de répondre à chaque tension par un acte (médical) qui peut être consideré comme un acting-out contre-transférentiel.

Pourtant, l'acte de prescription, qui a pour but une intervention au niveau de l'endothyme est ce qu'elle est à considérer comme une intervention dans la réalité de l'analysant, comme croient beaucoup d'analystes ?

L'intervention au niveau du dire, une facilitation à parler, qui bien sûr modifie le Surmoi, l'Idéal du Moi, l'ambiance quotidienne, etc., n'est pas la même chose qu'intervenir dans les détails de l'agencement existentiel, dans le travail, dans la vie sentimentale etc.
L'action sur le réel de l'inhibition n'est pas un acte dans la réalité existentielle du patient.

D'autre part, il y a aussi pas mal de pièges pour l'analyste non-médecin.
Tout d'abord il y a l'ignorance sur les évolutions de la psychiatrie biologique.

Deuxièmement peuvent jouer des préjugés à cause d'une mécompréhension des données psychopharmacologiques.

Et finalement on parlait déjà de résistance inconsciente narcissique.

Quoi penser d'un bifocalisme thérapeutique ?

Malgré que généralement soutenu en milieu analytique il y a là-desus des opinions très divergentes.
A mon avis il n'y a pas nécessité.
L'axiome sous-posé de délimitations des rôles et fonctions qui mènent à une situation pure, ne tient pas debout.

En pratique (Lambert) cette thèse ne fonctionne presque jamais que conflictuellement et dans le clivage. On peut bien s'imaginer des cas où l'analyste veut forcement que le psychiatre prescrive tel ou tel médicament pendant que ce dernier en juge différemment ou inversement que la magie des médicaments agît sur le contretransfert du psychanalyste mal informé psychopharmacologiquement.

Sauf s'il y a un climat de vrai collaboration entre les deux thérapeutes (donc qu'ils parlent du client) il y a bon résultat. (cfr. Schwarz et Stanton).

Donc, quand on est psychiatre, il ne faut pas avoir des complexes vis à vis de les analysants pour prescrire si nécessaire. Par contre c'est même un avantage pratique, me semble-t-il.

Autre problème, celle d'une évolution d'une chimiothérapie ou une thérapie de support vers un approche analytique.
En effet se pose ici le problème d'un passage du désir (ou d'un contre-désir) du soignant vers le désir du soigné.

Comme déjà remarqué : les thérapies non-analytiques se trouvent plus du côté de la suggestion et attaquent plutôt le symptome.
En commençant une analyse on met l'accent sur la structure et on sort de la magie pour une approche symbolique du sujet.
A ce point il y a beaucoup de résistance à noter, aussi bien du point de vue des soignants que des soignés. Moi, personnellement, j'ai rarement vu quelqu'un qui , après un traitement "psychiatrique", voulait continuer une analyse : c'est-à- dire, explorer son propre désir. Peu de gens savent ce que c'est qu'une analyse.
Il faut leur "suggérer" avant de pouvoir s' approcher du symbolique.
Quoi qu'il en soit : le désir du thérapeute y est toujours pour quelque chose.


F. CONCLUSION

1. La psychopharmacologie et la psychanalyse peuvent aller (doivent aller) très bien ensemble. C'est bien la responsabilité des protagonistes "thérapeutiques": psychiatres et analystes de mener à bien l'opération pour l'analysant.
Cela présuppose un psychiatre avec des notions approfondi sur l'analyse et des analystes avec des notions scientifiquement fondées sur les médicaments.

2. La psychanalyse n'a rien à craindre de la psychiatrie biologique.
Le sujet, doué de parole et de mort aura toujours besoin de s'exprimer et de se situer dans sa propre histoire, de s'interroger sur les significations de l'origine de la vie et de la mort et de se rapporter à l'aventure humaine.

La biologie n'aura jamais des réponses à ces questions. Cependant le psychanalyste fait mieux :

a) de se rendre au courant des évolutions pharmacologiques et de les intégrer dans les considérations globales pour le bien-être du patient. Une attitude neutre ne veut pas dire une manque de responsabilité.

b) reconnaître que beaucoup plus de notre comportement et de notre discours est prédonné génétiquement et moins par les discours et les désirs des parents, tel qu'on le pensait autrefois.

c) de considérer que les discours des patients, donnent des constructions et pas des reconstructions.

d) de s'interroger sur les limites de son pouvoir thérapeutique, son propre narcissisme et ses résistances vis à vis d'autres moyens qui aideront le patient.

 

 


 

Bibiographie

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