Présentation par MM. Claude, Migault et Lacan à la séance du 21 mai 1931 de la Société médico-psychologique paru dans les Annales médico-psychologiques, 1931, t 1, pp. 483-490

(483)Nous présentons à la S. M. P. deux cas de délire à deux dont l’originalité nous a paru résider dans leur autonomie presque complète, qui comporte une part de critique réciproque.

Ils diffèrent en cela de la doctrine classique qui insiste sur la contagion mentale, en se fondant sur les cas où l’on peut discerner nettement d’un délire inducteur un délire induit qui se stérilise dès qu’il est éloigné du premier.

 

1er cas de « Délire à deux ». – La mère et la fille Rob…

La mère (Marie-Joséphine), 70 ans.

Syndrome interprétatif avec paroxysmes anxieux. Hallucinations auditives à caractère onirique et à prédominance hypnagogique. Éléments visuels de type sensiblement confusionnel. Persistance, variable au cours de l’évolution, d’éléments délirants post-oniriques.

– Réactions : demande du secours, s’accuse de faits imaginaires, corrige, s’excuse. Désordre des actes passagers. – Fabulations amnésiques. – Évolution depuis au moins un an. Insomnie dont la sédation récente correspond à une sédation des autres symptômes.

Choc émotionnel (mort du fils il y a un an) coïncidant avec le début de l’évolution morbide. Note endotoxique possible et intoxication exogène probable.

La malade manifeste, lors de l’interrogatoire, une attitude affable, bienveillante, exempte de toute note paranoïaque, parfois doucement réticente.

Elle déclare au cours des différents entretiens que nous avons eus avec elle :

« On pénètre chez elle avec une fausse clé, on fouille, on la vole, on lui prend de l’argent ; elle ne peut cependant formellement l’affirmer. Il s’agit plutôt de menus objets sans valeur. « C’est pour ainsi dire le plaisir de prendre ».

« On fait courir des bruits sur elle dans le quartier. Il y a certainement de la folie là-dedans ; pour être aussi méchant, il faut être un peu piqué ; il y a là-dedans de la jalousie pour sa santé ».

« Les fournisseurs, les voisins lui donnent des aliments empoisonnés (elle les jette fréquemment sans y avoir touché à la poubelle, d’où gaspillage considérable constaté par l’enquête). Elle donne deux francs en plus pour avoir de « bonnes commissions ».

(484)« Plusieurs voix lui parlent dans les airs. On prétend qu’elle a tué son fils. On lui dit à travers le mur : « Faites attention, autour de vous vous avez de mauvaises personnes. Il y a autour de vous des machines qui disent tout ce qui se passe chez vous ».

« On l’observe sans cesse à l’aide d’un jeu de glaces si bien qu’elle a dû voiler celle de sa cheminée ».

Elle ne peut faire sa toilette « tellement elle est vue ». Scies dans le tic-tac du réveil. Mauvais goûts, mauvaises odeurs.

Fonds mental : orientée. Conservation des notions acquises. Calcul mental assez bon. Conservation de la logique élémentaire.

Examen physique : léger tremblement digital à l’entrée, tachycardie, T. A. 23-13 au Pachon. Azotémie 0,27. Absence remarquable de toute canitie. Dystrophie unguéale du médius droit. Pas de troubles oculo-pupillaires. Réflexes tendineux normaux. Caféisme avéré et peut-être appoint vinique. Réactions humorales, sang et L. C. R., négatives.

 

La fille (Marguerite-Marie), 35 ans employée au Crédit Lyonnais.

Psychose interprétative atypique. Apparaît comme sthénique, émotive et boudeuse. Révèle derrière ses réticences un autisme qui rend peu cohérentes ses plaintes. Avoue d’emblée les pratiques bizarres à base imaginative qui sont celles même dont la révélation, admise comme certaine, fait la base de ses interprétations. Leur puérilité fait son ridicule. Relation partielle avec un thème érotomaniaque peu cohérent.

Elle est plus particulièrement aigrie contre ses collègues de bureau depuis la mort de son frère « qui n’a même pas mis de trêve à leurs railleries ».

Illusions auditives : discordance manifeste entre leur contenu et la signification allusive qu’elle leur attribue.

Se targue d’une attitude systématiquement orgueilleuse et distante. L’enquête révèle un minimum de manifestations extérieures : à son bureau on la considère comme normale. Activité intellectuelle autistique.

Affectivité prévalente à l’égard de sa mère. Mais, dans leur vie commune, révélation de bizarreries de la conduite, de despotisme exercé par la fille avec brutalités épisodiques.

S’exprime sur un ton bas, réticent et hostile : « Cela lui fait assez de chagrin… Sa mère ne l’a pas vue rire depuis longtemps… La persistance des moqueries l’a mise dans cet état… », etc.

Enfin on obtient d’elle un fait : un de ses collègues, C. H., brillant orateur de meeting, semble lui avoir inspiré une inclination, au moins une préoccupation qui l’aurait induite à écrire sur de menus bouts de papier, ces mots : « C. H. marié », « C. H pas marié », « C. H. gentil, C. H. méchant, C. H. ogre, etc. ». Ces papiers ont dû tomber entre les mains de quelque employé de la maison, elle croit reconnaître depuis toutes sortes d’allusions à ces manifestations « qui ne vont (485)pas avec mon âge ; il y a un âge où on ne devrait pas avoir de. pensées trop naïves ».

D’autre part, des dessins naïfs, une Vierge, un Christ qui joue, une femme portant un enfant sur sa tête, tout cela a dû être découvert et faire rire.

Illusions auditives certaines : durant qu’elle dessinait un Christ, on a prononcé ces mots : « gros pétard ». Elle rattache au même thème sans qu’on puisse savoir pourquoi des allusions déplaisantes à des relations qu’elle aurait avec un acteur de cinéma, Marius M. « Des milliers de fois, j’ai entendu : « Marius et cent mille francs », « cela je peux l’affirmer ».

Irritabilité manifeste devant tout sourire, même bienveillant.

Toujours soucieuse du sort de sa mère. Manifeste une grande émotion au souvenir de son frère défunt.

Grande « bouquineuse » au dire des voisins. Aurait passé des jours à lire au lit. Récite par cœur des vers.

A demandé un congé depuis décembre dernier pour, dit-elle, soigner sa mère. Aidée depuis par la bienfaisance de la maison qui l’employait et qui la reprendrait éventuellement.

Échos d’une tyrannie exercée sur sa mère et de violences verbales.

Fonctions intellectuelles élémentaires conservées, vastes calculs bien effectués et rapidement. Examen physique : hypothyroïdisme, petitesse des extrémités, taille 1 m. 46, obésité, hypermastie, pouls 116. T. A. 20-11 au Pachon. Pupilles réagissent. Réflexes tendineux normaux. Sympathicotonie marquée.

Relation entre les deux délires. La fille est enfant naturelle non reconnue. La mère aurait eu du même père deux autres enfants dont un laissé aux enfants assistés, et deux jumeaux mort-nés. Depuis la mort du fils, les deux femmes vivent isolées, chacune porteuse de son délire.

La fille apprécie exactement les troubles de la mère qu’elle explique par de « l’anémie cérébrale ». Elle est fort soucieuse du sort de sa mère, n’a pas voulu la forcer à entrer dans un hospice et demande à rester à l’asile avec elle, si elle doit y séjourner quelque temps. Elle déclare, au grand scandale de sa mère, avoir constaté à plusieurs reprises le désordre des actes de celle-ci.

Par contre, la mère trouve inintelligible les tracasseries dont se plaint sa fille.

Leur chambre commune est dans un état d’extrême sordidité, leur budget tout entier est consacré à de ruineux achats de nourriture.

La fille était considérée comme dangereuse par l’entourage immédiat, alors que la mère, qui pourtant nomme ses persécuteurs, les S., ses voisins, devait à son attitude souriante et gracieuse de jouir de la bienveillance générale.

 

(486)2°cas.– La mère et la fille Gol.

La mère, Jeanne G., 67 ans, non internée.

« Délire d’interprétation typique, évoluant depuis quinze ans au moins. Démonstrations dans la rue avec périodes de recrudescence annoncées par certaines manifestations ayant une valeur significative. Violation de domicile. Idées d’empoisonnement. Trahisons de l’entourage même amical. Toutes manifestations hostiles souvent marquées d’un caractère beaucoup plus démonstratif qu’efficace.

Extension du syndrome, imposant l’idée d’une notoriété sans limite du sujet. Réactions : migrations domiciliaires pour fuir un ennemi qui ne se déroute pas ; interprétations significatives de paroles banales.

Illusions auditives.

Gaz.

Courants électriques. Malaises empruntant leur expression aux vocabulaires de l’électricité, bobinage, etc.…

Réactions : calfeutre sa maison, coud les portes, porte sur elle de vastes poches où elle emporte toutes ses provisions alimentaires, cimente les trous et les angles, tend des ficelles (« on se serait cru dans un sous-marin »). Il y a dans ces pièces certains coins particulièrement dangereux.

Sordidité, gaspillage.

Fonds mental non diminué. Bien plus : critique externe conservée : « Que voulez-vous que j’aille protester, je n’ai pas de preuves, on dirait « elle est aussi folle que sa fille qui est à Ste-Anne ». Aucune réaction protestataire en effet.

Cette femme qui est en liberté s’exprime sur un ton fort tempéré, est exacte au rendez-vous qu’on lui donne au sujet de sa fille, la fait vivre de son travail depuis quelques années, semble être ponctuelle dans son travail.

S’exprime ainsi :

« La rue, nous est fort hostile, beaucoup de gens sont au courant de notre histoire une grande partie du clergé en particulier, dont les ennemis sont très probablement cause de beaucoup de nos ennuis ». « Nous les Gol… sommes très connus à Paris, connus comme le Président de la République ».

C’est surtout dans le monde ouvrier que se recrutent leurs persécuteurs : « L’autre jour, un terrassier a dit en regardant de son côté : « Tiens, voilà le costaud qui vient ». À quoi son camarade a répondu : « Sale affaire, bien sûr ». – « Sale affaire, a repris l’autre, nous aurions dû penser que nous aurions affaire à de pareils costauds ? ».

La persécution de la rue varie en intensité et en mode.

Un moment, elles ne pouvaient sortir sans qu’on crachât sur leur passage, « sans être couvertes de crachats », sans qu’on les injuriât « salope, putain », sans qu’on les menaçât (éclatement de pneus, (487) exhibition de cordes, de voitures noires et fermées), sans qu’on les moquât de toutes manières.

Pour son domicile, on y pénètre sans cesse. Quand ils entrent chez elle « ils font une marque pour montrer qu’ils sont entrés ». « Ils arrêtaient le réveil pour montrer l’heure où ils étaient venus ». « Au début c’étaient ses voisins, les W…, d’accord avec le matériel téléphonique, qui faisaient ces incursions ».

Elle a souvent trouvé dans les provisions de petits signes prouvant qu’on y avait insinué du poison.

On lui a fait des courants électriques très douloureux, surtout dans les parties génitales. Elle a éprouvé une sensation telle qu’il ne peut en être ainsi que si l’on vous électrocute. Tous ces malaises se sont renforcés en 1920 : dans les ateliers on les plaçait toujours à côté d’une porte où ces courants étaient si forts que les ouvrières les fuyaient. Les patronnes trahissent par leurs paroles qu’elles veillent à ce qu’il en soit ainsi.

Asphyxie, malaises tels qu’une nuit, en 1925, elles doivent passer la nuit, elle et sa fille, au dehors. Interprétations olfactives : parfums, etc.

Au début (1917), tous les fournisseurs étaient coalisés pour l’empoisonner, elle devait se fournir de pharmacie dans un endroit éloigné de la banlieue. Ils se sont lassés à présent.

Examen neurologique négatif.

T. A. 25-13.

La fille, Blanche, 44 ans.

Délire paranoïde.

Construction extrêmement vaste, qui est une deuxième réalité, « l’autre journée, dit-elle » sur laquelle luit un autre soleil, journée dans laquelle elle entre quand elle est plongée dans le sommeil et dont l’existence et les événements lui sont révélés par intuition.

Ces conceptions forment un système cohérent, constant d’un interrogatoire à l’autre. Elles portent :

Sur son propre corps. Elle est le quadrucéphale à l’œil vert. Ce qui l’a mis sur la voie, c’est que son sang est parfumé. Sa peau à de hautes températures, se métallise et se durcit ; elle est alors en perle et donne naissance aux bijoux. Ses parties génitales sont uniques, car il y a un pistil, c’est comme une fleur. Son cerveau est quatre fois plus fort que les autres, ses ovaires sont les plus résistants. Elle est la seule femme au monde qui n’ait pas besoin de faire sa toilette.

Sur la nature des sexes « un homme quand il fait sa toilette, devient une dame ». Toutes les dames, autres qu’elle, ont besoin de la faire, sinon elles sont des hommes.

Pour elle « il n’y a rien de trop dans sa personne, il n’y a rien à retirer ». « Il n’y a rien à recouper en moi, il n’y a pas d’oignons à recouper. En moi tout est naturel. Je n’ai aucun désir mauvais ? Je suis une dame ».

(488)Elle est un être unique et sans équivalent dans le monde, qui se caractérise :

par ses résurrections successives : quand elle meurt, elle est réduite en cendres et en renaît comme en témoigne ce qui s’est passé en 1885 et son retour à la vie en 1887 selon des papiers qui sont à l’hôtel de ville : le petit corps qu’on a tiré alors de son corps, a subi toutes sortes d’épreuves, « un essayage quadrucéphale pour voir s’il était assez fort ».

par sa fécondité : elle est la mère de tous les enfants qui naissent depuis 1927 : « les quadrucéphaux ».

Elle en sent les mouvements dans son ventre et dans son dos, elle les porte pendant 27 mois et 30 mois pour que leurs organes soient plus forts.

« Qu’est-ce qu’une mère ? » – « Une dame qui a fait sa toilette et à qui la mairie a installé un enfant qu’on a sorti de mon corps ».

On les lui retire, en effet, dans la seconde journée, celle où règne le règlement « quadrucéphale ». On peut le faire grâce à son diaphragme renforcé. Son internement ici va entraîner une baisse de la natalité, car elle se refuse désormais à créer, néanmoins vu la longueur de ses gestations on ne s’en apercevra pas tout de suite.

par sa virginité. Si dans l’autre journée, elle peut être violée jusqu’à douze fois dans la nuit, par le créateur, sous forme de deux serpents enlacés, néanmoins dans celle-ci elle se réveille vierge, elle reste vierge. Tout ceci : « depuis que le monde existe ». Elle est la mère unique et la vierge éternelle.

par sa correspondance avec un autre être unique qui est le Créateur. Leur pouvoir alterne mystiquement : « Comment créerait-elle sans lui, comment créerait-il sans elle ? » D’ailleurs, si elle le désigne par « Il », il n’en est pas moins « plus dame que toutes les dames » : « Il est le quadrucéphale à l’œil noir, sa peau est en ivoire, etc. » Ce sont deux êtres uniques, leur sang ne se mélange jamais.

par sa souveraineté, son infinitude, son universalité.

Évolution : D’après ses dires, en 1920, elle a connu avec sa mère de dures épreuves, des courants électriques qui ont servi à lui renforcer les organes, de même que « les battements de cœur, la tension des maux de tête, l’énervement et le « coup du lapin » qu’on voulait lui faire avec des aliments empoisonnés ». Mais tout cela s’est arrêté complètement en 1925 et « le bobinage a commencé, qui est le moyen par lequel on lui a révélé tout ce qu’elle est « c’est la bobine qui me l’a dit, dans le tic-tac de ma pendule » etc.

Réactions : La malade avoue des pratiques étranges, elle fait un bouillon avec le sang de ses règles « j’en bois un peu tous les jours, c’est une nourriture fortifiante » ; elle est arrivée dans le service avec des flacons hermétiquement bouchés contenant l’un des matières fécales, l’autre de l’urine et enveloppés dans des étoffes bizarrement brodées.

Elle est bien décidée à ne plus travailler « on s’est assez foutu de (489)moi, on me doit au moins une pension alimentaire ». « Même s’ils refusent, ils s’arrangeront toujours en sous-main avec ma mère ».

Néanmoins, aide très régulièrement sa mère dans le ménage, prépare les repas, etc.

Toutes ces déclarations sont énoncées avec un sourire béat, un ton plein de certitude, une complaisante satisfaction, la riposte est aisée, vive, caustique parfois : sur sa virginité, « si je n’ai pas d’œil à cet endroit, j’ai un doigt pour y voir ». « Ah ! non, le coup des neuf mois, ça ne marche pas avec moi » ; etc. Les mots pouvoir, propriété, règlement, reviennent sans cesse, etc.

Fonds mental : Intégrité de la logique élémentaire, conservation des notions acquises, orientation, informations justes des événements récents.

Examen physique : Adiposité, métabolisme basal diminué, pas de signes neurologiques.

Relations entre les deux délirantes.

La fille, enfant unique de la mère, est comme dans le cas précédent, une enfant naturelle, non légitimée. Plus encore que dans le cas précèdent, l’isolement social est manifeste ; il dure depuis l’enfance.

La mère semble avoir déliré la première. Mais rapidement, la fille l’a suivie dans ses interprétations. Elles se sont accordées dans l’expression de leur cénesthopathie, de leurs angoisses, de leurs paniques, dans l’organisation de leur système de défense. Comme le dit la mère : « Ma fille était alors comme une personne normale ».

Néanmoins, dès ce moment la mère remarque qu’il était bien étrange de l’entendre se plaindre qu’on lui volât sa pensée. Pour elle, elle ne ressentait rien de pareil : elle ne faisait que reconnaître dans des conversations des allusions à sa pensée.

Maintenant, elle est accablée de voir sa fille délirer : « Elle a la folie des grandeurs ». Mais elle n’ose trop la contredire car elle la craint.

Celle-ci, en effet, la réprimande vertement : « c’est agaçant, elle persiste à me croire sa petite fille, à me prendre pour une personne comme il y en a cent mille ». « Mais d’abord on ne te demande pas de comprendre ». Il lui est arrivé de frapper sa mère.

D’autre part, il leur arrive de se rapporter l’une à l’autre l’accentuation de certains de leurs troubles ; la mère « a des courants » quand sa fille se déplace, la fille lui dit : « C’est toi qui me les envoyais, vieille canaille ». La mère fait rentrer dans ses interprétations les troubles du caractère de sa fille qu’elle croit voir s’accentuer les jours de fête religieuse. La fille, enfermée dans son délire métaphysique, se moque des interprétations de la mère et déclare qu’il « n’y a pas à tenir compte de tout cela », « pour les courants elle peut les supporter, ça ne la gêne pas ».

Une note d’ambivalence affective ancienne nous paraît digne d’être notée : « Nous vivions comme deux sœurs, deux sœurs toutes les deux sérieuses ». L’hostilité de la fille a progressé à mesure qu’elle (490)reniait davantage sa parenté avec sa mère. Elle y montrait du maniérisme. Quand sa mère employait le nous : « Allons nous coucher » , par exemple, – « Au singulier, pas au pluriel » ripostait la fille, qui ajoute devant nous : « Vous ne me ferez jamais mettre en ménage avec ma mère ».

 

En résumé : Nous pouvons mettre en relief dans ces deux cas :

1° l’hérédité en ligne directe avec renforcement analogue de la tare psychopathique ; 2° un isolement social qui peut avoir déterminé les perturbations affectives qu’on voit se manifester ; 3° une évolution indépendante des délires avec des possibilités de critique réciproques, qui se mesurent au degré de conservation du contact avec le réel.

Au point de vue de l’analyse et de la classification des délires, celui de la mère dans le groupe Gol, est caractéristique par le caractère intuitif, imposé et peu raisonnant des interprétations qui contraste avec le sentiment qu’elle a de la difficulté d’en justifier le système.

Le délire de la fille est intéressant par son caractère d’égocentrisme monstrueux, et par la présence d’intuitions de retour périodique et de recommencement (résurrections successives) qu’on rencontre fréquemment dans un certain type de délire paranoïde.