Intervention sur l’exposé de J. Picard « Mécanismes névrotiques dans les psychoses : œdipe, homosexualité, théâtralisme hystérique et perversité », paru dans l’Évolution Psychiatrique, 1937, fascicule IV, pages 87 à 89.

 

Exposé de J. Picard […]

 

(87)Discussion :

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(88)M. Lacan – Ce qu’il importe de découvrir, c’est le centre de gravité des troubles affectifs qui figure dans les projections et les névroses. Pour opérer exactement cette détermination, encore faut-il que nous envisagions le développement de l’individu tel qu’il s’opère effectivement dans une succession de crises. Ce que nous appelons constellation ou complexe, c’est essentiellement une direction, un secteur qui fonde l’unité de ce développement. Sans doute est-il occasion de réussite ou d’échec de l’analyse, mais il est bien plus et surtout un progrès structural, une sorte de conquête de la réalité. Dans son progrès naturel il aboutit à une sublimation, laquelle insère l’individu dans une certaine perspective de réalité, par quoi se forme sa propre valeur de maturité, de densité. Nous pouvons décrire les étapes principales de ce développement. Un certain degré d’insuffisance dans cette conquête, dans le passage d’un niveau de réalité à une forme supérieure, caractérise l’accident auquel s’accroche le complexe. Or l’occasion, le choc et ses conséquences, la forme aussi et le degré du développement permettent (89)de considérer que l’avortement du progrès ne peut pas, ne doit pas s’effectuer sous la forme constante et univoque de ce que nous appelons le complexe d’Œdipe Il naît de cette catastrophe de la vie affective une régression, mais de sens qui peut être fort différent selon les cas. Certes l’Œdipe a été notre Sinaï. Mais rien ne nous interdit de voir dans la vie œdipienne un aspect seulement du possible. Il y a peut-être derrière lui encore autre chose de plus archaïque. Peut-être le « complexe de la mère ». Si les noms mythologiques nous font défaut ici pour le caractériser, c’est peut-être parce que cette mythologie est celle d’une civilisation patriarcale. Peut-être est-ce l’image terrible de l’Ogresse, de quelque Baal ou Moloch maternel que l’on rencontrerait au fond des légendes matriarcales… Dans les observations que M. Picard vient de nous présenter, la mère paraît jouer un rôle fondamental (dans les sept premières qui sont placées sous le signe de la mère). – Le théâtralisme de ces malades me paraît être marqué du narcissisme équivalent au stade du miroir. C’est par là qu’ils restent accrochés au stade primitif du corps propre, que la glace présente comme un objet, objet encore soudé au corps maternel. C’est par là qu’il faut voir peut-être la profonde unité du jeu, du narcissisme et de la fixation maternelle. – Mais il y a encore un autre aspect du théâtralisme, c’est la valeur d’irréalité introduite dans le comportement de ces malades qui jouent comme des fantômes, avec des images, avec des instruments de leur Moi. – Un mot encore à propos du caractère parasite de certains de ces malades qui se trouvent placés dans le milieu familial comme dans la « coquille » maternelle.

 

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