Intervention sur l’exposé du Dr Gaston Ferdière « Intérêt psychologique et psychopathologique des comptines et formulettes de l’enfance » en mai 1946, Groupe de l’évolution psychiatrique, paru dans l’Évolution Psychiatrique, 1947, fascicule III, pp. 61-63.

(61)Discussion :

 

Dr Nacht – M. Ferdière a rappelé que pour Jung, la richesse de la vie inconsciente, se traduit dans ses fantasmes. Mais en réalité, Freud l’avait déjà montré dans tous ses travaux. – Il est particulièrement frappant d’observer combien ces formulettes sont riches en expressions sadiques et agressives. On y saisit à quel point, l’enfant placé sous le signe de la mentalité primitive, vit tout le processus de la pensée propitiatoire, et la mentalité de l’obsédé qui use si fréquemment de formules rituelles, nous apparaît comme une régression vers la pensée infantile. Le « mot-valise » est également caractéristique de cette pensée ; on le voit contenir tous ses sens à la fois (usages, objets, personnages).

[…]

Dr Lacan – Quant au débat qui vient de s’instituer, il m’apparaît (62)qu’il y a une originalité propre de la création infantile des fantasmes et même s’il n’y a pas de clan, on peut retrouver une formation folklorique. Pour ce qui est de l’exemple du grand-père et de la cheminée, il y a un rappel très saisissant des rites funéraires, qui ne peut se situer simplement sur le plan de l’agressivité. – Je me demande jusqu’à quel point se peuvent lier l’humour et les comptines. Celles-ci paraissent ressortir à un mode de production, dans lequel l’humour se trouve fort peu engagé. Si Lewis Caroll a fait l’usage que l’on connaît du « mot-valise », cela ne veut en rien signifier que l’emploi de ce procédé soit typiquement humoristique. L’humour est une forme d’esprit très élevée, qui se manifeste typiquement chez l’adulte ; l’humour de Kierkegaard ou de Jarry n’apparaît pas chez l’enfant. Rien moins qu’humoristique a pu m’apparaître chez un débile ce qui n’a été humour que chez moi. Venu me consulter pour des difficultés sexuelles aisément améliorées par quelques efforts psychothérapiques, il me racontait qu’ayant rencontré dans un train une femme, et lui ayant donné rendez-vous, celle-ci ne vint pas : c’était déclara-t-il « une femme de non-recevoir ».

 

[…]

 

Dr Ferdière – […] M. Lacan a été frappé par la comptine évoquant les rites funéraires (je l’étudie tout spécialement dans mon travail sur la mort dans les comptines). Je lui signale dans les formulettes le rôle joué par le loup, ancienne divinité chthonienne. Quant à son opinion sur l’humour, je m’étonne de la trouver si éloignée de l’orthodoxie freudienne.