« Interview donnée par Jacques Lacan à François Wahl à propos de la parution des Écrits », radiodiffusée le 8 février 1967 et publiée par Le Bulletin de l’Association Freudienne n° 3 page 6 et 7 en mai 1983.

(6)Jacques Lacan – Je n’ai publié ce recueil de mes Écrits que pour rendre maniable un certain procès constructif à ceux-là qu’il intéresse. Il ne s’adresse pas aux philosophes, quoique écrit en un langage qui est de tout un chacun qui a une formation classique. Chacun de ces Écrits est fait pour les praticiens de la plus difficile des pratiques, laquelle exige une discipline de la pensée encore fort mal réalisée, qu’est la psychanalyse.

 

François Wahl – Que le livre s’adresse seulement aux psychanalystes, qu’il s’adresse à eux, c’est certain. Qu’il s’adresse seulement à eux, on y reviendra peut-être tout à l’heure. Il y a donc ce premier temps de votre apport qui est la dénonciation de la captation par l’imaginaire. On peut le grouper autour de ce texte en un certain sens historique qu’est le rapport de Rome de 1953, sauf erreur, et puis il y a des textes comme la fameuse analyse sur la Lettre volée ; on peut grouper autour de cela un second type d’études par lesquelles la psychanalyse s’est greffée sur le mouvement que l’on dit structuraliste. Il s’agit ici de tout ce qui est au départ dans le fait que l’analyse est thérapie par le discours, par le langage et de tout ce qui définit l’inconscient, dans votre enseignement, par le discours de l’Autre. C’est donc du thème de l’Autre qu’il s’agit ici.

 

Jacques Lacan – Le discours de l’Autre est un thème de mon enseignement. Il faut écrire ici l’Autre avec un grand A, car ainsi se distingue un ordre d’altérité de ce que communément on appelle, en tant qu’existence qui s’impose plus ou moins à notre reconnaissance ou à notre assentiment/ressentiment, disons le semblable, semblable réel si tant est qu’il faille le distinguer de l’image de tout-à-l’heure. L’Autre est la scène de la parole en tant qu’elle se pose toujours en position tierce entre deux sujets, ceci seulement afin d’introduire la dimension de la vérité, laquelle est rendue en quelque sorte sensible sous le signe inversé du mensonge. Mais ceci n’est qu’approche. Si j’invoque cet Autre, c’est pour y fonder la formule que le discours (de l’homme) est le discours de l’Autre. Qu’est-ce à dire ? Cet Autre n’est pas un être, justement. Il s’agit là de situer la place possible et de sa nature inaccessible de l’inconscient car l’inconscient est un discours à sa manière, bien sûr, et parfaitement reconnaissable à sa structure qui est celle-même du langage ; et nous voici dans la linguistique. Seule cette discipline – qui heureusement est une science si bien établie en ses principes qu’on a pu la qualifier dans le champ dit humain de science-pilote – fournit des concepts appropriés à rendre compte fort proprement des mécanismes de l’inconscient. Ceci peut surprendre du dehors. Sachons seulement un trait qui le confirme. La linguistique, au sens moderne, n’était pas constituée au temps de Freud ; ce que Freud décrit pourtant s’articule de façon parfaitement lisible comme mécanismes linguistiques. C’est fort joli, n’est-il pas vrai ? Pour faire entendre ceci, qui est banal, il faut combattre de grands préjugés, mais on peut les ramener à un préjugé simple : confondre l’inconscient avec l’instinct. L’instinct de mort : voir toute une école se battre avec ces registres dérisoires, au reste même pas maniables sous cette rubrique, de sorte que pour une part de ses tenants, elle en rejette la moitié, nommément l’instinct de mort, et que du même coup les autres deviennent ainsi tautologiques (…), leur fonction est parfaitement désuète sur le plan biologique.

Freud n’a jamais parlé d’instinct mais de quelque chose dont le terme est en somme parfaitement intraduisible, il s’agit du trieb, qu’on traduit par « pulsion » mais, à la vérité, on le traduit surtout mentalement par instinct avec pour résultat la confusion la plus parfaite. Comment au reste ici ne pas rappeler qu’il faut bien concevoir (…) comme quelque chose qui rende compte de ce fait que la théorie de l’inconscient ait été dans la découverte de Freud liée dès son surgissement même à ce qu’on appelle le complexe d’Œdipe. Voilà qui nous tourne vers l’Autre, mais le grand Autre, apparemment dans une incarnation qui le personnifie, celle du père archaïque en tant que dans son meurtre a surgi mystérieusement le pacte de la loi primordiale. Ce mythe fondé reste bien obscur si nous ne pouvons articuler correctement la structure. Vous voyez se répéter ce mot de structure. C’est un mot qui, encore que l’actualité s’en empare pour y impliquer des théoriciens dont moi-même, qui sont sans doute fort conscients de ce qu’il implique pour eux-mêmes, prend fâcheusement la pente qui en englobe d’autres sous une accolade beaucoup plus confuse.

 

François Wahl – Est-ce que d’autres que les analystes ne sont pas plus que vous ne le dites concernés par ces Écrits et concernés entre autre par le fait que, en décrivant ici une structure à travers l’écoute de l’inconscient, c’est la structure du sujet, de ce que traditionnellement on entend par sujet que vous décrivez et nommément en mettant (7)en question la simplicité et la centration de ce sujet ?

 

Jacques Lacan – La structure du sujet, voilà précisément le point auquel tout structuraliste n’est pas comme à quelque chose dans le discours intéressé. Et pourtant c’est une question qui se pose à tout le monde, dans tous les champs, à condition qu’il s’agisse de formuler ces champs de façon scientifique. Elle équivaut à la question : qu’est-ce que l’unité pensante ? Puisque le sujet c’est ça que cela veut dire, du moins tout le monde y croit. Si l’inconscient existe, il faut réviser cela mais jusqu’à la racine. Il n’y a pas d’unité dans le sujet. Cela ne veut pas dire pour cela que l’on en revienne au dédoublement de la personnalité, de romantique autant que fâcheuse mémoire. Pas d’unité ne veut pas dire qu’il y en a deux, ce qui est seulement redoubler l’impasse, impasse que nous propose l’inconscient. Il y a des gens qui se feraient volontiers à l’idée d’installer en un quelque part qu’ils tiennent pour le psychisme toute une petite population d’unités. Non, l’inconscient n’est pas le mauvais moi, comme disait quelqu’un qui n’était pas précisément une lumière et que j’ai dû durant un temps, assidûment pratiquer. Le problème est un tout petit peu plus compliqué. Il est lié à la structure de la répétition dans laquelle quiconque pense sur le mode du dernier échantillon que je viens d’en donner est voué à d’irrémédiables pataquès, besoin de répétition ou répétition du besoin par exemple. La répétition, ce phénomène fondamental de l’inconscient, si fondamental qu’il en est peut-être le plus fondamental, est ramené au retour de la colique du matin et par exemple qu’il faille recourir dans ce déduit aux plus récentes acquisitions de la logique, ce qui est de nature à nous montrer que cette logique n’est pas du tout une science retardataire, ce qui est fort heureux, qu’elle s’avère être elle-même une science fondamentale. Il faut dire que les irrégularités de son développement dans l’histoire, solidaires des aveuglements qui se manifestent encore dans notre temps dans l’appréciation des temps positifs de ce développement, manifestent bien qu’il y a là un domaine plus résistant. Toute espèce de (…) manifeste que pour n’être pas du tout référable à ce fourre-tout qu’on appelle l’affectif ramène la question de ce qu’il en est vraiment de la résistance et que c’est dans la structure, c’est-à-dire dans quelque chose qui a l’avantage d’être analysable, qu’il faut peut-être en trouver la racine.

Bien entendu n’est mise en cause que la prétention théoricienne qui certes prend toute son incidence quand il s’agit de former des analystes. Ceci laisse de côté, que le public se rassure, le thérapeute. L’équilibre se maintient de la seule forme dont le champ s’ordonne dans la pratique qui, elle, de toute façon, ne connaît que la parole assez autonome, somme toute, de la pensée du praticien. Son tact et son sens clinique et aussi bien les buts heureusement limités qu’il s’agit de remplir (soulagement d’une situation pathogène par exemple ou résolution locale d’un symptôme). La question posée au niveau où nous la posons intéresse pourtant la transmission et surtout le progrès de cette pratique, mais on le sent, pas seulement elle ; elle intéresse, dirons-nous, non pas tant le philosophe, au sens où la philosophie s’isole au titre d’un enseignement autonome, elle intéresse le philosophe au sens où celui-ci est présent en tout un chacun pour qui une pratique précise soulève des problèmes radicaux. Que les solutions que nous apportons à ces problèmes, les nôtres, reçoivent au niveau d’autres disciplines de singulières applications, nous avons été amenés à publier ce volume, destiné surtout à écarter les malentendus qui s’engendrent d’une diffusion orale dont nous nous sommes trouvés le premier surpris.

La « Conférence à la faculté de Médecine de Strasbourg » est un document polycopié dont l’origine n’est pas précisée. Le texte, peu déchiffrable à certains endroits, a été reproduit avec quelques hypothèses de lecture, chaque fois mentionnée.

Je ne peux pas dire que ma situation soit bien difficile. Elle est extraordinairement facile au contraire. La façon même dont je viens d’être présenté indique que de toute façon j’aurai parlé à titre de Lacan, donc vous aurez entendu Lacan.

Le genre conférence n’est pas le mien. Ce n’est pas le mien parce que ce que je fais tous les huit jours depuis quinze ans, quelque chose qui n’est pas une conférence, qu’on a appelé un séminaire au temps de l’enthousiasme, c’est un cours, un séminaire quand même, ça a gardé le nom.

Je dois dire que ce n’est pas moi qui en témoignerait, je pense qu’il y en a quelques uns qui sont là dès le début en se relayant parce que quand même ils se sont relayés un peu (mais il y en a qui sont là dès le début) : il n’y a pas un seul de ces cours qui se soit répété. Je veux dire qu’à un moment au cours des circonstances je me suis cru en devoir, pour le petit nombre de ceux qui étaient autour de moi, de leur expliquer quelque chose, quelque chose qui est ce qui va être en question maintenant. Et que ce quelque chose mon Dieu ait une étendue suffisante pour que je n’ai pas encore fini de leur expliquer. C’est étrange. C’est peut-être aussi que le développement même de ce que j’avais à expliquer, m’a posé des problèmes et a ouvert de nouvelles questions. C’est peut-être, ce n’est pas sûr. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, je ne peux aucunement prétendre, fusse par allusion pour ceux qui savent de quoi je parle, qui savent même un peu plus ou moins de ce que j’en ai dit, fusse par allusion en évoquer même les principaux détours.

Pour les autres qui sont ici, dont je suppose qu’ils forment une part de cette assemblée, ils n’en savent rien ou peu de chose. Il n’est bien sûr pas question, si c’est vrai ce que je viens de dire que je ne me suis jamais répété, que je leur en donne même une idée. À la vérité le genre conférence suppose ce postulat qui est au principe même du nom d’université : il y a un univers, un univers du discours s’entend. C’est à dire que le discours aurait réussi, pour des siècles, à constituer un ordre suffisamment établi pour que tout soit réparti en cases, secteurs, secteurs qu’il n’y aurait qu’à bien étudier séparément et sur lesquels chacun n’aurait à apporter que sa petite pierre dans une mosaïque dont les cadres seraient déjà suffisamment établis : on aurait déjà suffisamment travaillé pour ça.

L’idée que les acquis qui se sont constitués au cours de l’histoire avec l’étagement des siècles, seraient des acquis qui s’additionnent et qui du même coup peuvent se rassembler pour faire cette université, université des Lettres, Universitas Litterarum, c’est au principe de l’organisation de l’enseignement qui porte ce nom, cette idée est contredite par le plus simple examen de l’histoire. Et puis mon Dieu, par cette histoire je vous en prie, n’entendez pas ce qu’on vous enseigne sous le nom d’histoire de la philosophie par exemple, ou quoi que ce soit d’autre, qui est une sorte de replâtrage qui est fait pour vous donner l’illusion que ces diverses couches, que ces diverses étapes de la pensée s’engendrent l’une l’autre. Le moindre examen prouve qu’il n’en est rien et qu’au contraire tout a procédé par cassure, par une succession d’essais, d’ouvertures qui à chaque fois a donné l’illusion qu’on pouvait embrayer sur une totalité. Le résultat est qu’il suffit bien entendu d’aller dans n’importe quelle boutique, je veux dire de libraire, de libraire d’antiquités, piquer n’importe quel bouquin du temps de la Renaissance : ouvrez-le, lisez-le vraiment, vous vous apercevrez que les trois-quarts des choses qui les préoccupaient et qui paraissaient pour eux essentiel, vous n’en trouvez même plus le fil conducteur et bien sûr, ce qui peut vous paraître à vous évidence a été engendré à une certaine époque qui n’est pas très exactement bien sûr il y a 20 ans, 50 ans ou 30 ans, mais qui ne remonte pas plus haut que Descartes. C’est qu’à partir de Monsieur Descartes il est arrivé certaines choses quand même notables en particulier l’inauguration de quelque chose qui s’appelle notre science à nous, une science qui se distingue quand même au moins apparemment très certainement pour nous par une efficace, une efficace assez prenante pour intervenir jusqu’au plus quotidien de la vie de chacun. Mais à la vérité c’est peut-être ce qui la distingue des savoirs précédents, qui se sont toujours exercés d’une façon plus ésotérique, je veux dire qui était le privilège, privilège qu’on dit, privilège qu’on croit d’un petit nombre.

Pour nous, nous baignons dedans, dans les résultats de cette science. Je veux dire que la moindre des choses qui sont ici et jusqu’aux petits sièges bizarres sur lesquels vous êtes assis, en sont vraiment la conséquence. Auparavant on faisait des sièges avec quatre pattes comme de solides animaux, enfin il fallait que cela ressemble à des animaux. Maintenant ça prend un petit aspect mécanique. Vous vous n’y êtes pas encore faits bien sûr. Les sièges anciens vous manquent.

Alors moi, je fais un enseignement pour quelque chose qui est né dans ce moment de l’histoire et des siècles où on était déjà jusqu’au cou avant même qu’on puisse le dire comme je viens de le dire, dans le contexte de la science qui s’appelle la psychanalyse. C’est comme ça que j’ai été entraîné à me mettre dans une position d’enseignement bien particulière. Une position d’enseignement qui sur un certain point, sur un certain terrain va repartir comme si rien n’avait été fait. Car la psychanalyse ça veut dire ça. C’est que dans un certain champ classique qui avait été appelé jusque là psychologie et qu’on peut expliquer bien sûr par toutes ces conditions historiques qui avaient précédé, rien n’avait été fait. Je veux dire si on avait fait une sorte de construction très élégante et bien sûr qui peut servir étant admis à la base un certain nombre de postulats qu’il faut d’ailleurs toujours qu’elle reconstruise rétroactivement : somme toute si ces postulats sont admis, tout va bien, mais si quelque chose est mis en question d’une façon radicale, rien ne va plus. C’est à ça, non pas que mon enseignement sert, c’est à ça qu’il est asservi, c’est à ça qu’il est au service : c’est à faire valoir quelque chose qui est arrivé, et qui a un nom, qui s’appelle Freud. Ça arrive qu’il arrive des choses qui portent un nom. À soi tout seul c’est un problème. C’est un problème qui n’est aucunement résoluble à l’aide de simples notions de ce qu’on appelle les influences, les emprunts, la matière. Bien sûr dans beaucoup de cas çà peut servir, quelles sont les sources. Ça sert justement sur le plan littéraire, sur le plan et dans la perspective dite université de Lettres. Ça ne résout d’ailleurs absolument rien, dès que quelque chose qui existe un peu, par exemple un grand poète : une pure folie de vouloir aborder le problème au nom des sources. Dans ce qui s’appelle l’enseignement courant, autrement dit ce que j’ai appelé tout à l’heure le genre conférence, ça peut aussi servir le point de vue source. Seulement il est clair avec ce que je vous ai dit d’abord que de temps en temps il y a des cassures à savoir qu’il y a des gens qui en effet ont su emprunter des petites choses par ci par là pour nourrir leur discours, n’est que l’essence de ce discours qui part d’un point de rupture. Si mon enseignement sert et déclare au service de ceci faire valoir Freud, dans ce cas qu’est ce que ça veut dire ? Ça veut dire précisément que ce qui m’intéresse ça n’est pas de réduire Freud à ses sources. Au contraire je montrerai la fonction qu’il a eu comme cassure ; parce que bien entendu pour le faire rentrer dans le rang, le remettre à sa place dans la psychologie générale, il y en a d’autres qui s’y emploient, moyennant quoi, ils négligent la seule chose qui est intéressante ; c’est à savoir pourquoi Freud est un nom, autour de quoi s’accroche cette chose si singulière qui fait la place de ce nom dans la conscience de notre époque ; pourquoi après tout, Freud, apparemment, n’a pas encore eu quelques unes des conséquences cataclysmiques qu’a eu le nom de Marx ; pourquoi est-ce qu’il a un prestige du même ordre, pourquoi diable ; pourquoi est-ce qu’il y a tout un champ non seulement où on ne peut faire que de l’évoquer, mais où, qu’on adhère ou pas à ce quelque chose qu’il a dit et qui serait son message, je dirais même sans qu’on puisse dire à proprement parler, à part une sorte de mythologie qui circule, ce que ça veut dire, qu’il ait cette valeur, ce point nodal ; comment ça se fait que ce nom soit là si présent à nos consciences. Que je m’attache ainsi à faire valoir Freud, ceci est une toute autre affaire que ce que j’appellerai des victoires de penseurs. Bien sûr ce n’est pas sans rapport avec la pensée, mais en quelque sorte c’est quelque chose qui nous éclaire sur ce qu’il peut y avoir déjà de surprenant, dans cette incidence sur notre histoire à tous, des effets de la pensée. On pourrait croire que puisque ce sont des médecins qui pour l’instant portent le faix du message de Freud, on puisse dire qu’après tout ce n’est pas lui le principal ; quel est le principal, ce sont les choses concrètes auxquelles ils ont affaire, je dis, concrètes au sens que ce mot a comme résonance, choses comme ça est fait, un morceau, un bloc, quelque chose qui tient, enfin quoi, chacun sait, des malades, on dit qu’ils ont simplement des choses à traiter, quelque chose qui résiste.

Freud nous a appris que parmi ces malades il y a des malades de la pensée. Seulement il faut faire attention que c’est une fonction qui est ainsi désignée, qu’on est malade de la pensée au sens où l’on dit qu’on travaille du chapeau. À savoir que ça se passe au niveau de la pensée, est-ce que c’est ça ce que ça veut dire ? C’est ce qu’on disait jusqu’à lui, en somme. C’est bien là tout le problème : psychopathologie mentale. Il y a des étages dans l’organisme, l’étage supérieur là, au niveau des commandes. Il doit y avoir quelque part un type ici, dans une petite salle d’où il peut éteindre tout ce qui est là haut dans le plafond. C’est comme cela qu’on s’imagine la pensée au niveau d’un certain point de vue, à la vérité sommaire, c’est qu’il y a quelque part quelque chose de directeur. Et que si c’est à ce niveau là que cela se détraque on aura des troubles de la pensée. Évidemment si l’on éteint tout cela engendrerait une certaine perturbation mais enfin nous n’en serons pas moins tous bien vivants, nous nous dirigerons à tâtons vers une porte et on remettra ça. C’était ça. C’est ça la conception classique du malade de la pensée. Le mot malade de la pensée peut-être pris dans un autre registre. Nous pourrions dire des animaux malades de la pensée, comme on dit des animaux malades de la peste. C’est une autre acception. Je ne vais pas jusqu’à dire que la pensée en soi est une maladie. Le bacille de la peste en lui-même n’est pas une maladie non plus. Il l’engendre. Il l’engendre pour les animaux qui ne sont pas faits pour le supporter, le bacille. C’est peut-être ça dont il s’agit. Penser n’est pas en soi une maladie, mais il y en a qu’elle peut rendre malade. Quoiqu’il en soit, c’est quelque chose qui est assez proche de ça que Freud découvre, découvre d’abord. Au niveau de la maladie, il y a de la pensée qui circule et même de la pensée de tout le monde : notre pain et notre vin, la pensée que nous partageons peu, de celle dont on pourrait, changeant une formule, dire : pensez-vous les uns les autres. C’est de celle-là qu’il s’agit : c’est à s’introduire dans ceci que c’est à penser les uns les autres que nous sommes, qu’il y a des phénomènes qui se produisent, qui tiennent étroitement à ce pensez-vous les uns les autres et qui constituent un certain champ de maladie.

Les névroses : voilà avec quoi Freud s’introduit ; c’est à savoir que loin que le processus de la pensée soit une fonction autonome, ou plus exactement qui ne se situe, se constitue que du dégagement de son autonomie, de cette échelle, pyramide humaine, grimpage sur les épaules les uns des autres qui ont permis au cours des siècles dans une tradition qui s’est elle même appelée, mais pourquoi pas philosophique, qui ont permis de dégager des conditions d’un pur exercice de la pensée, quelque chose d’essentiel à isoler pour que de là, elle reprenne une prise au sens inverse sur tout ce dont elle a dû d’abord se préserver pour garantir son juste exercice. Bref, quelque chose qui assurément n’est pas rien, puisqu’il se trouve en apparence que c’est de là qu’à la fin s’est engendré ce qui est notre privilège, une physique correcte, se trouve qu’il nous est représenté de ce travail de culture, d’isolation, pointant vers une certaine efficace, laisse complètement de côté ce qu’il en est des rapports de l’animal humain à la pensée parce qu’il y est intéressé depuis l’origine et qu’à la vérité, il n’est pas sûr, il semble même certain que ces activités, que ces fonctions voire au niveau le plus élémentaires, le plus physiologique au sens où ce mot désigne les fonctions les plus familières sont déjà intéressés à titre de maintien, à titre de chose qui est roulée, déplacée, qui sert déjà à des fonctions de pensée. Bref, que loin qu’il en soit comme tout ce que le travail des philosophes nous a donné à le supposer, que c’est dans ce dernier critère un acte transparent à lui-même, une pensée qui sait penser que soit l’essence de la pensée ; que tout au contraire tout, tout ce dans quoi nous avons cru devoir nous purifier, nous dégager pour isoler ce processus de la pensée, à savoir nos passions, nos désirs, nos angoisses, voire nos coliques, nos peurs, nos folies, tout cela nous paraissait en nous témoin de la seule intrusion de ce qu’un Descartes appelle le corps, car à la pointe de cette purification de la pensée il y a que la pensée nous ne pouvons saisir par aucun point qu’elle soit sécable : tout vient du trouble apporté par des passions… ?… des organes : tel est le point où on en arrive au terme d’une tradition philosophique. Au contraire Freud nous faisant retourner en arrière, nous dit que c’est au niveau de nos rapports, rapports à la pensée qu’il faut chercher le retord (sic) de toute une part, singulièrement accrue semble-t-il dans notre contexte ; de civilisation de gouverner par la prévalence, la croissance de la pensée en quelque sorte incarnée dans des brain-trusts, comme on dit, de la pensée, est là depuis toujours et pour nous sensible encore, dans ce qui nous paraît le plus caduque, le plus déchet, le plus inassimilable au niveau de certaines défaillances qui, en apparence, ne paraissent rien devoir qu’à la fonction du déficit. En d’autre termes çà pense à un niveau où ça ne se saisit pas du tout soi-même comme pensée. Bien plus encore, ça pense et ça pensant à ce niveau ou ça ne se saisit pas soi-même, ça va plus loin. Justement, c’est ainsi parce que ça ne veut à aucun prix se saisir ; que ça préfère incontestablement se dessaisir de soi-même encore que ce soit pensé. Et bien plus encore, ça ne reçoit pas du tout volontiers les observations qui pourraient, du dehors, l’inciter, ce qui pense, à se ressaisir comme pensée. C’est ça la découverte de l’inconscient. Ça a été fait à une époque où rien n’était moins contestable que cette supériorité de la pensée et en particulier, il y avait quand même des gens qu’on appelait selon les registres, nobles descendants des grecs et des romains, civilisés, hommes arrivés au stade de leur pensée positive, enfin où on faisait un crédit que l’histoire nous a montré excessif, au progrès de l’esprit humain et au fait que dans certaines zones pour peu qu’on y ait été un peu aidé, qu’on vous ait tendu la main, on pouvait franchir une frontière et entrer dans le cercle des hommes dans le monde, qui pouvaient se dire éclairés. Évidemment le mérite de Freud est de s’apercevoir qu’il faut en juger autrement, ceci bien avant que l’histoire nous ait en effet rappelé à plus de modestie, en nous montrant ce que nous pouvons depuis telle et telle date toucher du doigt tous les jours, c’est qu’il n’y a en tout cas dans le champ humain défini comme celui des gens qui sont pourvus de pouvoirs singuliers de manier le langage, il n’y a à proprement parler aucune espèce d’aire privilégiée et que civilisés ou pas sont capables des mêmes entraînements collectifs, des mêmes fureurs, qu’ils sont toujours restés à un niveau qu’il n’y a nullement lieu de qualifier comme plus haut ou plus bas, comme affectif, passionnel ou prétendu intellectuel, ou développé comme on dit, mais ont tous à leur portée exactement les mêmes choix et susceptibles de se traduire dans le même succès et les mêmes aberrations. C’est que Freud, par le message qu’il porte, si réduit qu’il soit véhiculé grâce aux soins des gens plus ou moins infirmes qui en sont les représentants officiels ; c’est qu’assurément Freud ne discorde en rien avec tout ce qui nous est arrivé depuis son temps, de nature à nous inspirer sur cette perspective de progrès de la pensée de vues plus modestes.

Il ne discorde en rien, il reste là avec son message, peut-être d’autant plus fort, dans son incidence, qu’il reste encore à l’état fermé du plus énigmatique et que même si on réussit, grâce à un certain niveau de vulgarisation, une certaine flottabilité, il se trouve qu’il y a quelque chose justement à ce niveau où l’être humain est une pensée qui heureusement a ce secret avertissement au sein d’elle même qu’elle s’ignore que les gens sentent que dans ce message freudien même sous la forme où pour l’instant il vogue, transformé en pilules qu’il y a quelque chose de précieux, d’aliéné sans doute, mais dont nous savons qu’à cette aliénation nous sommes liés parce que c’est notre propre aliénation même, et que quiconque se donne la peine d’essayer de rejoindre le niveau où il porte, c’est sûr, la preuve est faite, ne serait-ce que par ce recueil de scories que sont mes propres Écrits, c’est sûr d’intéresser, d’intéresser singulièrement les gens les plus divers, les plus dispersés, les plus étrangement situés et pour tout dire, n’importe qui, ceci à l’étonnement de ceux qui veulent que la littérature soit toujours faite pour répondre à de certains besoins. Ils se demandent pourquoi mes Écrits se sont vendus. Moi je suis gentil quand on vient me demander cela, je me mets à leur place, je leur dis : je suis comme vous, je ne sais pas. Et puis, après tout, je leur rappelle que ces Écrits sont quand même uniquement quelques fils flotteurs, îlots, points de repère que j’ai mis de temps en temps pour les gens à qui j’enseignais. J’ai mis en réserve le comprimé, dans un certain coin pour qu’ils se souviennent que j’avais déjà dit ça à telle date ; le lendemain du jour où j’ai quitté le journaliste qui venait me demander pourquoi on lisait mes écrits, mais après tout, les écrits ça intéresse le journaliste qui me l’apprend, c’est certain. Si ça intéresse tellement de monde c’est peut-être à cause de ce que j’y dis, tout simplement. Évidemment il y a une certaine conception, celle que j’ai appelé la conception besoin, besoin concret bien sûr, c’est là le principe de toute publicité, au niveau besoin on s’étonne. Pourquoi est-ce qu’ils auraient besoin de ces écrits qui sont paraît-il incompréhensibles ? Ils ont peut-être aussi besoin d’avoir un endroit où ils s’aperçoivent qu’on parle de ce qu’ils ne comprennent pas. Pourquoi pas. Enfin la question de mon enseignement, si elle est, qu’il faille faire valoir Freud, ça n’est évidemment pas au niveau de ce grand public comme on dit, puisque comme je viens de vous l’expliquer, quoi qu’on fasse, et je dirai ça veut dire : n’importe quoi qu’on fasse, à savoir même en laissant la charge des choses à cette corporation qui s’appelle les psychanalystes et dont je suis un des fleurons, ça va très bien avec ce que font les autres, les copains. Le grand public n’a pas besoin de moi pour lui faire valoir Freud puisque je viens de vous expliquer que quoiqu’on fasse, entendez-le comme vous voudrez, et même entendez-le comme je l’entends, Freud est bien là. Donc ce qui jusqu’ici constitue l’effort de mon enseignement n’est évidemment pas à mettre au registre de faire valoir Freud au niveau de la grande presse, mais à un tout autre. Et à la vérité cet enseignement bien sûr n’aurait pas lieu d’être, mais à la vérité je ne vois pas pourquoi je m’en serais moi-même imposé le souci ni l’effort s’il ne s’adressait pas aux psychanalystes. Car voilà, si nous parlons de ce que je vous donne dans sa formule la plus vaste, c’est à savoir que c’est au niveau d’une pensée qu’il me faut bien à partir de maintenant considérer comme existante au niveau le plus radical et conditionnant déjà au moins une part immense de ce que nous connaissons comme animal-humain. Qu’il faille reposer la question de ce que c’est que la pensée que ce n’est pas au niveau où on considère que son essence est d’être transparente à elle-même et de se savoir pensé que gîte la question, mais bien plutôt au niveau du fait que, en naissant tout être humain baigne dans quelque chose que nous appelons la pensée, mais dont un examen plus profond démontre avec évidence, et ceci dès les premiers travaux de Freud, c’est qu’il est tout à fait impossible de saisir ce dont il s’agit, sinon à s’appuyer sur son matériel, constitué par le langage dans tout son mystère. Je veux dire mystère au sens où rien n’est éclairci concernant son origine mais où au contraire, quelque chose est parfaitement discible concernant ses conditions, son appareil, comment c’est fait, au minimum, un langage. Telle est ce qu’on appelle à proprement parler sa structure. Nier que ce soit de là que Freud est parti, c’est nier l’évidence, c’est nier le témoignage que constitue pour nous ses grandes premières œuvres, celles qui s’appellent nommément la Traumdeutung, la Psychopathologie de la vie quotidienne et que nous ce que nous avons traduit par Le Mot d’Esprit, le Witz c’est nier que c’est uniquement et d’abord au niveau du fait que des phénomènes qui en apparence se présentent fondamentalement comme irrationnels, comme capricieux, comme bouchon, le rêve comme absurdité, le lapsus, son caractère dérisoire du Witz qui nous fait rigoler on ne sait pas pourquoi, c’est là que Freud d’abord désigne le champ de l’inconscient et que si à l’intérieur de cela, forcé d’aller vite, évidemment il nous dirige vers le champ spécialement intéressé par tous ces phénomènes, c’est à dire le champ de la sexualité, il n’en reste pas moins, que la structure, le matériel qui est en cause désigne, puisque justement tout ce qui se passe sans le moindre secours de ce que nous avons pris jusqu’alors pour la pensée c’est à dire quelque chose de saisissable comme conscient, comme capable de se saisir soi-même, c’est bien là d’où part Freud. Ce qu’introduit comme radical, comme bascule, qu’introduit comme champ qui pose des questions complètement nouvelles en particulier celle-ci, la première de toutes, qui est de savoir si la conscience elle-même est cette chose qui se prétend peut-être la plus impondérable des choses, mais assurément la plus autonome, l’inconscient n’est pas une simple conséquence, un détail et en plus un détail frappé de mirage, par rapport à ce qu’il en est des effets d’une certaine articulation radicale, celle que nous saisissons dans le langage, en tant que ce serait peut-être bien elle après tout, qui aurait engendré ce quelque chose qui est en question sous le nom de pensée. Autrement dit la pensée n’est pas quelque chose que nous concevons pointée comme une espèce de fleur, chose qui pointe au sommet dont (sic) ne sait quelle évolution, dont on voit mal au reste qui serait le facteur commun qui la destinerait cette évolution à produire cette fleur ou au contraire de quelque chose dont il s’agit pour nous, de réinterroger sérieusement quelle peut être l’origine et de voir qu’en tout cas tel que ça se présente à nous pour l’instant, ça n’est assurément pas sous la forme d’une fonction détachable, qualifiable à aucun degré de supérieure, mais au contraire une condition préalable, radicale à l’intérieur desquelles on fasse loger comme elles peuvent toute une série de fonctions en effet animales et ceci depuis les plus supérieures comme on dit, celles qui peuvent se situer au niveau du névraxe jusqu’aussi bien à celles qui se passent, on ne sait pas pourquoi on les appelle inférieures, au niveau des tripes et des boyaux. Ce qui importe en d’autres termes c’est de remettre en question tout cet étagement d’entités qui tentent à nous faire saisir les mécanismes organiques comme quelque chose de hiérarchisé, alors qu’en fait, c’est au contraire peut-être, au niveau d’un certain discord radical cadre deux*, peut-être trois registres que je désigne comme le symbolique, l’imaginaire et le réel. Même leurs distances réciproques ne sont pas homogènes et les mettre sur une même liste a déjà quelque chose d’arbitraire ; qu’importe si ces registres au moins pour introduire la question, peuvent avoir quelque chose d’efficace. Quoiqu’il en soit, dès lors qu’il s’agit au niveau d’une certaine passion, souffrance, dès lors qu’il s’agit d’une pensée, dont nous ne pouvons saisir nulle part qui la pense comme étant une conscience, avoir une pensée qui nulle part ne se saisit elle-même, une pensée dont toujours peut se poser la question du qui la pense, ceci suffit, pour que quiconque s’introduit dans cette étrange dialectique, doive au moins pour lui, avoir renoncé à cette prévalence de la pensée en tant qu’elle se saisit elle-même. Je veux dire que le psychanalyste ne doit pas seulement avoir plus ou moins bien lu Freud en gardant par devers lui ces petites cases de l’univers psychologique, grâce à quoi il est bien d’avance clair que toi c’est toi et moi je suis moi, moi en tout cas bien entendu puisque je suis psychanalyste, je suis le gros malin chargé de te conduire dans les détours d’un sérail dont j’aurai depuis longtemps la familiarité ; que si le psychanalyste, je veux dire au niveau de sa pratique, n’est pas capable de se présentifier à tout instant comme étant, ce qui est en principe parfaitement à sa portée, à savoir quelle est sa dépendance à lui d’un certain nombre de choses qu’en principe, je répète, il a du toucher du doigt dans son expérience inaugurale, la dépendance d’un certain fantasme par exemple, et de considérer que ce n’est pas parce qu’on vient le trouver comme étant ce que j’ai appelé le sujet supposé savoir, il sait, puisque justement ce sur quoi on le consulte c’est non pas sur ce qui est en marge d’un savoir quelconque, que ce soit celui du sujet ou que ce soit le savoir commun, que c’est justement sur le point qui se présente comme étant ce qui échappe au savoir, à savoir radicalement sur ce qui pour chacun est ce qu’il ne veut pas savoir. Pourquoi ne veut-il pas le savoir si ce n’est parce que c’est, parce que c’est là quelque chose qui le met en question comme sujet du savoir, ceci au niveau de l’être le plus simple et disons le moins informé. Que l’analyste ne croie pas pouvoir s’introduire dans une pareille question, à purement accepter ce qui lui a été déféré comme rôle dans cette forme du sujet supposé savoir, puisqu’il sait bien qu’il ne sait pas, que tout ce qu’il pourra forger comme savoir propre risque de ne pas se constituer autrement qu’il ne ferait d’une défense contre sa propre vérité. Tout ce qu’il construira comme psychologie de l’obsessionnel, tout ce qu’il incarnera dans telle ou telle tendance dite primitive, n’empêchera pas, qu’à mesure que plus loin se poussera cette relation qu’on appelle le transfert, il sera mis en question sur le mode fondamental qui est celui de la névrose en tant qu’il comporte le jeu glissant de la demande et du désir. Il ne sait pas, il ne sent pas, que rien ne saurait se déplacer quand il ne sent effectivement pas que c’est son désir que la demande hystérique intéresse ; que c’est sa demande que le désir de l’obsessionnel veut faire surgir à tout prix, ce qui selon la loi pour chacun règle leurs rapports avec leur partenaire, il ne suffit pas que cet appel il y réponde en démontrant à chacun de ses questionnants qu’il y a là telles formes déjà qui sont passées, reproduites, qu’il recule la question vers je ne sais quelle réitération toujours bien sûr rétroactive, assurément dimension essentielle à faire saisir au sujet, ce qu’il a laissé tomber de lui-même sous la forme d’un irréductible noyau. Mais sans échafaudage, tant de constructions compliquées destinées à rendre compte des résistances, des défenses, des opérations du sujet, de tel et tel gain plus ou moins désirable, peuvent ne représenter que superstructures au sens de constructions fictives destinées pour l’analyse à le séparer de ceci où en fin de compte il est traqué qui finit par représenter pour le sujet ce à quoi le progrès analytique doit enfin le faire renoncer : cet objet à la fois privilégié et objet-déchet à quoi il s’est lui même accolé et qui finit par mettre l’analyste dans une position si dramatique puisqu’il faut qu’il sache lui-même à la fin, éliminer de ce dialogue comme quelque chose qui en tombe et qui en tombe pour jamais. Cette discipline qui, contraire à celle qui compte sur je ne dirai pas le savant, car le savant de la science moderne c’est quelqu’un qui a un rapport singulier avec ce qu’on peut appeler socialement sa surface avec sa propre dignité qui est tellement loin de cette forme idéale, qui est au fond, qui constitue le statut de sa dignité, de celui qui sait et qui touche, de celui qui par la présence de sa seule autorité opère et guérit, que ce n’est pas au savant que je m’en remettrai mais chacun sait que ce qui est tellement nouveau, qui spécifie les formes les plus actuelles de la recherche scientifique ne sont pas, ne sont nullement identifiables aux types traditionnels de l’autorité savante. La voracité avec laquelle ceux qui entendent, ce je l’enseigne déjà depuis tant d’années se suent**, c’en est dérisoire, sur mes formules pour en faire <de petits articles>*** donc chacun en fin de compte ne pense rien d’autre que ceci, qu’ils se pareront de mes plumes, tout ceci bien sûr pour se donner les gants d’avoir fait un article qui tient debout. Rien n’est plus contraire à ce qu’il s’agirait d’obtenir d’eux à savoir justement à conquérir la juste situation de dépouillement, de démunissement dirai-je qui doit constituer celle de l’analyste en tant qu’il est un homme entre d’autres qui doit savoir qu’il n’est ni savoir ni conscience, mais dépendant aussi bien du désir de l’Autre que de sa parole. Tant qu’il n’y aura pas d’analyste qui m’aient assez bien entendu pour arriver à ce point, bien sûr il n’y aura pas non plus c’est que cela engendrerait aussitôt à savoir ces pas essentiels où nous en sommes encore à attendre dans l’analyse et qui redoublant les pas de Freud la ferait de nouveau avancer.



* Nous reproduisons textuellement la transcription proposée, manifestement peu compréhensible.

**. Proposition de lecture : […] ce que j’enseigne depuis tant d’années et suent […]

***. mots difficilement lisibles : de petite artoulets.