Paru dans un article du Monde du 19.11.1971 sur l’ouvrage de Dominique Desanti : Un métier de chien, avec le titre : Quel est le « métier de chien » : la psychanalyse ou la vie ?

 

L’opinion de Jacques Lacan

 

Cléo a beau oublier et faire oublier son métier, Dominique Desanti l’a néanmoins voulue psychanalyste et se hasarde en des contrées où il est bon de montrer patte blanche. Or, que je sache, elle n’a pas plus que moi fait ses classes en la matière. L’avis d’un spécialiste était bon à entendre. Très accroché par le roman, Jacques Lacan a bien voulu nous donner le sien.

 

« J’ai pris grand plaisir, en effet, à lire Un métier de chien, de Dominique Desanti. Comme un roman, bien sûr, – et j’en lis peu – non comme un livre sur la psychanalyse. Là-dessus il n’apprendra pas grand-chose au lecteur. Cléo n’y pratique pas l’analyse, ni sur elle-même ni sur autrui.

Mais ce que je crois c’est que Dominique Desanti n’aurait pas pu réaliser ce qu’elle a fait, avec tant de rigueur, de mordant, d’acuité, si son héroïne n’avait pas été psychanalyste. Sous cette fiction, qui ne vaut que comme fiction, Cléo livre sans choquer ce qui serait autrement impossible à dire, ce que jamais les vraies psychanalystes dans la vie ne révéleront : la vérité d’une femme sur l’amour. Nous bafouillons tous sur l’amour. Elle, pas.

Dominique Desanti a écrit « le roman de la psychanalyste » comme, sans percer le mystère de la poésie, on écrit « le roman du poète ». Et c’est aussi bien fichu que du Dos Passos. Pourquoi lui reprocherait-on le masque qu’elle a prêté à son héroïne si sous ce masque quelques points de mirage et de leurre de notre temps ont été éclairés ? »